Michel Hutt

Terre, mon amour

Automne de pluies, automne de chaleur, automne flamboyant, automne fécond, fruits délicieux… Comme un cadeau, après un été de poussière et de feu. Un  temps pour l’émerveillement, pour la joie. Un temps de répit, pour dire merci à cette Nature tant malmenée, à cette Création sans cesse bafouée.  Rêver qu’il est encore temps, que nous pourrions y arriver, que nous serions capables de changer vraiment, sincèrement, courageusement. Puiser des forces pour les temps à venir : jamais l’hiver n’aura été aussi incertain, l’avenir aussi inquiétant. Préserver l’essentiel, quand tout nous échappe : l’espérance, la capacité à imaginer, créer et partager, pour amorcer ce changement tant attendu, tant redouté. Oublier le superflu, relativiser nos besoins, sortir du flux continu d’informations vite oubliées, d’objets qui à peine utilisés deviennent déchets, de déplacements que l’on pourrait éviter, de temps mal employé. Il y a tant de graines à semer pour faire renaître, en plus beau, ce monde plus fragile que jamais. Un seul parmi les animaux qui peuplent la Terre est capable de détruire son propre patrimoine biologique, jusqu’à mettre en danger sa descendance et toutes les autres espèces. Peut-être est-ce pour cela qu’il se considère comme le plus développé et le plus intelligent de tous les êtres vivants ?

Pieds nus dans l’herbe, je laisse ruisseler sur mon visage l’eau du ciel, en essayant de ne pas penser aux millions de litres de kérosène détaxé que l’on brûle au-dessus de nos têtes. Pour promener les virus d’un continent à l’autre. Pour orchestrer la délocalisation de nos emplois. Pour aller grappiller loin de chez soi quelques souvenirs, un peu d’oisiveté, un peu de dépaysement, une bonne sieste au bord de la mer. Rendre justice à la Nature, pour ce qu’elle endure ? Pourquoi donc ? Après nous le déluge ! Après nous les tornades ! Après nous les pénuries ! Après nous l’exil pour s’arracher aux terres rendues stériles, empoisonnées, invivables.

Notre planète, elle, nous ne la fuirons pas. Moi pas, en tout cas. Elle m’a vu naître, elle me verra mourir. En attendant ce jour, je veux la célébrer de toute mon âme, dans chacun de mes actes, chacune de mes pensées.

Michel Hutt, romancier et auteur jeunesse, amoureux de la Terre et de la Vie Munster