J’ai couru.
J’ai couru aussi vite que j’ai pu.
C’était la forêt.
Elle était belle parce que c’était l’automne.
Le ciel, lui, était gris mais il y avait des arbres
rouges qui donnaient de la lumière.
Et puis ces cercles d’or sous d’autres arbres,
aussi précieux pour moi que le soleil.
Il y avait une pluie de feuilles qui tombaient dans
un grand silence et sans que rien d’autre ne
bouge. Pas le moindre vent.
J’ai arrêté de courir. Et je me suis allongé sur ce
tapis de feuilles. Je me suis couché sous la
couverture de feuilles. Dessous.
J’ai respiré l’odeur de l’humus, une odeur verte
et humide qui m’a rempli de joie.
J’ai gratté avec mes doigts, j’avais de la terre
sous les ongles, une terre généreuse, nourricière.
Qui sentait bon les champignons, l’herbe et les
glands grignotés par d’invisibles écureuils.
J’ai frotté mon visage avec de la terre. Je ne sais
pas à quoi je pouvais bien ressembler mais pour
moi c’était comme une protection, un partage.
Une sorte de communion rituelle avec cette terre
qui nous porte et nous nourrit. Qui nous accueille
aussi lorsque nous cessons de vivre.
J’avais envie de sourire à la cime des arbres
quand je me suis mis sur le dos pour regarder le
ciel.
Là-haut il y avait une telle beauté, ce frisson des
plus hautes branches contre le gris des nuages,
que je me suis senti en parfaite harmonie avec le
monde. Les doigts dans la terre, mêlés à de
minuscules racines, et le regard porté haut, qui
trouve son chemin entre les dernières feuilles
attendant de tomber.
Je me disais voilà, c’est simple, l’émerveillement.
Un foisonnement de sensations et de rêves, la
sève des arbres qui se met à couler à la place de
mon sang et les yeux en attente des étoiles.
L’urgence à être là, allongé sous les feuilles, et la
pluie qui arrive. A larges gouttes tièdes qui
tracent leur sillon sur mes joues maquillées de
terre. La douceur de ces larmes.
Plus de souci. Rien. Etre là. Relié.
Dans l’attente sans crainte de l’hiver.
Véronique Garrigou