Cessez de dire aux enfants
présents et à venir
qu’ils seront les héritiers de
drapeaux plantés
sur des territoires épuisés,
d’une nature sans poissons,
sans oiseaux à becs,
d’un pays aux eaux lestées de débris
eux ne dénoncent pas notre
responsabilité
cessez d’agiter le fantôme
de ce qui fut,
et de les bercer
d’un bonheur placebo
à coups d’hormones, de pesticides,
de jouets à jeter
eux ne ruminent pas
vos folies de consommation,
ils les subissent
ce que le chef indien Seattle
nous a pourtant annoncé
« Continuez à souiller votre lit,
et une belle nuit,
vous étoufferez
dans vos propres déchets »
ne leur offrez pas vos peurs,
vos envies, vos manques
offrez leur ce que
vous n’avez su trouver
Eux ne haïssent pas encore
leur terre
ni ne l’ignorent
comme des chaussures
indifférentes
à ce qu’elles foulent
Laissez-les dire les jardins
de leur cœur l’humus
dans les frissons d’un air
chanté à tue-tête
l’appel de jeunes pousses
généreuses
déjà dans un monde où ne sévit
aucune pénurie de cœur,
de vie, de création où l’on ne rêve
ni la résilience,
la guérison dans l’exil,
la conquête encore
où l’on agit à la mesure de son élan
pour mettre la terre au repos,
à la jachère des exploitations
intensives
un monde où le respect
ne s’achète pas,
où palpite l’étonnement
où l’on se sent l’hôte de cette terre
Isabelle Roussel-Gillet, écrivaine Artois