Isabelle Roussel-Gillet

Cessez de dire aux enfants

présents et à venir

qu’ils seront les héritiers de

drapeaux plantés

sur des territoires épuisés,

d’une nature sans poissons,

sans oiseaux à becs,

d’un pays aux eaux lestées de débris

eux ne dénoncent pas notre

responsabilité

cessez d’agiter le fantôme

de ce qui fut,

et de les bercer

d’un bonheur placebo

à coups d’hormones, de pesticides,

de jouets à jeter

eux ne ruminent pas

vos folies de consommation,

ils les subissent

ce que le chef indien Seattle

nous a pourtant annoncé 

« Continuez à souiller votre lit,

et une belle nuit,

vous étoufferez

dans vos propres déchets »

ne leur offrez pas vos peurs,

vos envies, vos manques

offrez leur ce que

vous n’avez su trouver

Eux ne haïssent pas encore

leur terre

ni ne l’ignorent

comme des chaussures

indifférentes

à ce qu’elles foulent

Laissez-les dire les jardins

de leur cœur l’humus

dans les frissons d’un air

chanté à tue-tête

l’appel de jeunes pousses

généreuses

déjà dans un monde où ne sévit

aucune pénurie de cœur,

de vie, de création où l’on ne rêve

ni la résilience,

la guérison dans l’exil,

la conquête encore

où l’on agit à la mesure de son élan

pour mettre la terre au repos,

à la jachère des exploitations

intensives

un monde où le respect

ne s’achète pas,

où palpite l’étonnement

où l’on se sent l’hôte de cette terre

Isabelle Roussel-Gillet, écrivaine Artois