Atelier d’écriture Climont

De ton émerveillement, j’ai tout conservé. Dans mes rivières, mes forêts et mes déserts ta joie si douce et ta liberté. De ta gratitude et de ton regard, j’ai tout gardé : au creux de mon parfum, au flux rude de mes océans, avec mes pluies et mes nuits pour tout abri et seule justice, tu souriais. 

Tu vois, je crois même que tu m’aimais. 

Alors, dis-moi, à quel moment m’as-tu oubliée ? Je n’ai rien vu venir. Quel âge avais-tu le jour où, du foisonnement de mes printemps, tu as voulu faire ton unique patrimoine ? Et depuis, de quel sortilège es-tu donc possédé à ne cesser de me gâcher, de me souiller, de m’épuiser ? 

Pourtant, ne vois-tu pas que toi et moi, nous sommes du même moule ? Du même amour, du même désir, des mêmes protections ? Et dans ces céphalées effrénées que tu recycles sans trêve, dans tes manques et tes minuscules affolements, ne te souviens-tu pas de nos respects, de nos moissons à partager, de nos aurores ? De cette éperdue tendresse dont on s’aimait ? 

Tu vois, même blessée, sur ma peau et dans mon ciel, j’ai tout gardé. Et du fond de ma mémoire, c’est comme ça que je continue de t’espérer. Parce que je ne peux l’oublier, sous les fards de ta lugubre convoitise, tu sais aussi rêverdénoncer, faire germer et puis renaître

De tes jardins si beaux, de ta patience et de tes prières, de tes mains et de tes silences, j’ai tout consigné. Et c’est comme ça que je t’attends, encore. De toi, un amour vif et ma patience de nulle part. 

Natacha Cros-Ancey, Atelier d’écriture Climont